SOMMAIRE
marie-laure
adam
claude
andruetan
emmanuel
baillia
valérie
canat de chizy
françois
charvet
raymond
delattre
hubert
fréalle
hubert
gréaux
alain
guillard
jean-michel
guyot
miloud
keddar
kiko
xavier
lapeyroux
gérard
lemaire
lodi
simon
mathieu
myriam
monfront
lydia
padellec
christophe
petit
barbara
savournin
william
shakespeare
jean-marc
thévenin
jacques
valette
marie
vallon
jacques
vincent
frédéric
vitellio
préface
par alain wexler
Aux
lèvres, la terre & le ciel
Des
pommes poussent dans le ciel, la nuit tangue avec la barque où l’on
dort. La terre & le ciel fondent dans la bouche où des étoiles
finissent leur course. Espace merveilleux où des hirondelles passent
à travers des miroirs. Je vous invite dans l’espace-temps.
Quelqu’un s’est donné la mort sur un disque. Nous courrons un
risque mortel en l’écoutant. Mais que disent-ils mais que
disent-ils ?
Valérie
Canat de Chizy intègre
au paysage des mots suspendus.
Miloud Keddar fait peut-être allusion à la Pythie avec cette
formule : Toujours
l’humus du rêve à saisir dans le tremblement de l’ouvert.
Ainsi que Jean-Michel Guyot : A
mots ouverts, découverts, tisonnés, chahutés, tardifs, si tardifs,
et si pleins de ciel et de terre, d’eau et d’air.
On sent comme un doute lancinant chez Xavier Lapeyroux qui écoute le
disque de la mort. Lui-même aurait pu disparaître avec une
chanson. Puis ce sentiment dans le texte suivant se mue en
étouffement : aucun
mot ne parvient à passer plutôt de lourdes pierres ou des os à
tomber dans le fond de ma gorge et ma réponse sous elle-même
ensevelie.
Un
commis voyageur a laissé une valise dans la maison de Jacques
Vincent qui veut creuser l’espace du dessous, alors Des
hirondelles franchissent le silence où nul n’ose encore
s’aventurer.
En explorant l’Histoire, Marie Vallon vante des
labours fabuleux, des livres de terre. Je
cite plus loin : nous
fûmes cet allant de terre et de ciel.
Elle dit aussi la
spiritualité de la terre.
La formule peut être un raccourci de l’œil à la pensée quand
Hubert Gréaux écrit : Une
pluie de ciel disparaît dans la flaque.
Et François Charvet : Il
y a un lieu où s’accordent l’iceberg qui se rompt et le cil que
je souffle sur ta joue.
Lieux extraordinaires
que les bords
de Loire où Hubert Fréalle campe un voyage presque alchimique :
quand
il faut lancer départ ! il nous faut y mettre le bois l’essence
des choses la flamme de compagnie la pesée des mots pour le dire...
Ferais-je
de la métaphysique sans le savoir ? Possible que l’essence des
choses, quelque temps, rôdât entre nos lèvres ! Marie-Laure Adam
soulève ce voile : On
croirait que c’est l’étoffe : c’est la peau au-dessous.
Cette imbrication du corps, des mains dans les activités de l’esprit
s’impose à chaque page sans doute. Lydia Padellec : Des
mains ouvertes sur la pensée / Tu avances à pas de vent.
Et Kiko : Je
suis là / Je suis souffleur / Je peux / J’ose dire / C’est plus
beau c’est un soupir / De jour comme de nuit nous errons sur les
planches.
valérie
canat de chizy
Membranes
L’arbre
accroche les pommes
Dans
le ciel.
C’est
très haut.
Il
lui faut une échelle.
La
peau rougeoie et luit.
Entre
les branches des trains passent.
Des
rails, des gares. Le paysage défile.
Elle
se demande si la membrane
Sera
suffisamment épaisse et translucide.
Dans
son ventre le chat dort.
Pourtant
son œil parfois s’arrondit et la fixe.
Où
s’arrête le paysage ?
L’œuf
tangue.
Le
liquide dans son bocal aux parois élastiques.
Il
est permis de se mouvoir, d’étirer longuement ses membres.
Maintenant,
elle peut voir de l’intérieur.
emmanuel
baillia
Sur
un air brésilien
(Gainsbourg,
« ces petits riens » 1965)
Mieux
vaut ne rien penser que d’penser contre vous,
Ne
pas penser que d’le penser par vous,
Plutôt
n’plus rien penser que de vous comme un fou
Ne
plus penser que d’penser ça de vous,
Mieux
vaut te délaisser que d’te prendre pour ça,
Te
déserter que d’te réduire à ça,
Plutôt
ne plus aimer que d’aimer envers toi,
Filer
à l’anglaise pas en vers à soi
Mieux
encore ton absence qu’une absence de trêve,
Manquer
d’étai que de s’en faire un glaive,
Mieux
vaut un peu d’ennui qu’un plein de barbarie,
Rien
entamer qu’aller jusqu’à la lie
Mieux
encore l’ignorance que les exécutions,
L’indifférence
que la comparution,
Mieux
encore le silence qu’un jet de vitriol,
L’absence
d’échanges, qu’un devoir de paroles
Mieux
aller nulle part qu’aller à ton insu
M’priver
d’élan que d’subir ton raffut
Mieux
aller sans boussole que de toucher ton pôle,
Car
je m’y fiai et m’y rendis bien fol
françois
charvet
Le
ventre est sous la pierre
et
patiente
et
mûrit son instinct d’obscurités
d’hivers
d’incantations
sous
la pierre le ventre ourdit sa saison
la
forge qui l’entreverra
soulevée
et
saura l’éclair
la
main nue au soleil reverdie
mordue
tremblante
sur la peau de Mai
si
frêle
dans
les pierrailles du muguet
venue
boire au ventre sous la pierre
vipère
source
gorgée d’élans
l’éveil
de l’immaculé
HUBERT
FREALLE
il
lui faut une Pelle
symbolique
magique/alchimique
pour
avancer son chemin d’eau
d’homme
et de temps
pour
creuser sa Voie
Humide
odysséenne
de
la Surface à la Profondeur
en
acceptant tous les sacrifices
les
transformations
la
plainte en pente douce
à
peine
pour
la saisie nue de l’essen/ciel
pour
de savantes et solides humanités
pour
un Grand Jour dans la Grande Nuit !
marie-laure
adam
L’étoffe
On
croirait que c’est l’étoffe : c’est la peau au-dessous.
L’étoffe
est lourde, opaque, elle tombe en volutes régulières sur le corps,
elle le dessine et le voile. Le corps pourrait être une courbe qui
n’en finit pas, il pourrait être un aveu.
L’étoffe
est là. Sur, autour du corps. Sur et autour de la peau.
Quelle
est-elle cette peau ? Un chemin de douceur, le voile du désir? On
voudrait croire que c’est ce que l’on voit qui rend le désir si
grand, on voudrait ressentir cela, ce qui est vu est d’égale
ampleur à ce qui est désiré. Mais il n’en est rien, le désir
est enfoui, il est enfoui en nous. En même temps dans et hors de.
Cette peau inaccessible à la vue : en nous ce qu’elle peut-être,
ce qu’elle peut donner d’espérances. Mais il ne faut pas tendre
la main pour ôter le voile, non, il faut rester dans cet espace
suspendu, où la promesse se fait plus lointaine, à jamais voulue, à
jamais espérée, à jamais souhaitée. Il irradie alors de ce qui ne
peut, un bonheur fait de brumes et d’éparpillements.
On
regarde l’étoffe, et l’on se perd dans ses plis, dans son
mouvement, dans ce mouvement du corps, qui s’imprime là, à
nouveau, à chaque geste.
LYDIA
PADELLEC
La
robe s’échappe d’un corps
la
feuille éclipse la lune
et
la vitre reflète le grain de peau
de
l’arbre dénudé
*
La
robe s’échappe encore
et
l’automne n’en finit pas
les
fils se tissent et se défont
au
bon vouloir des oiseaux
*
La
robe sautille après le soir
et
file le parfait amour
avec
le caméléon bavard
caché
dans ses motifs
xavier
lapeyroux
Smog
Je
mets dans la platine le disque sur lequel il s’est donné la mort
je ne sais pas ce qui m’attend
Monte
une voix profonde chaude et grave d’aucun lieu une voix d’aucun
temps la musique en coulée de lave incandescente semble soudain
braquer ses yeux brûlants sur moi
Le
disque dans la platine joue sa musique de mort sa belle musique de
mort et j’attends qu’elle me prenne à mon tour pour finir
Je
suis assis j’attends ne sachant sous quelle forme cela doit arriver
dans la douleur ou bien une torpeur apaisante
La
musique chaude et lente continue d’avancer et je ne vois rien venir
seulement là à sentir mon cœur dans la fournaise à écouter ses
pieds nus crépiter aux braises qu’il a dû traverser
Le
disque coule et j’attends qu’il me fasse disparaître une chanson
puis une autre encore une et une autre pour me faire disparaître
Mais
quand tombe la dernière note du dernier morceau je suis encore ici
incrédule à n’avoir toujours pas cessé d’être
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