Au sommaire de ce numéro :
Marinette Arabian, Manolis Bibilis, Olivier Billottet, Milena Bourjeva,
Jan Wagner (traduit par Roland Crastes de Paulet), Yves Cronenberger,
Ludovic Elzéa, Hubert Fréalle, Charles Frouin, Laurent Grison, Thomas
Grison, Denis Hamel, Mireille Jannon, Chloé Landriot, Pierre de La
Fontaine, Bernard Le Blavec, Lodi, Alain Jean Macé, Murielle
Compère-Demarcy, Madeleine Melquiond, Jacques Merckx, Olivier Millot,
Philippe Mollaret, Myriam Monfront, Cécile Ochesenbein, Jacqueline
Persini, Jean-Paul Prévost, Éric Savina, Barbara Savournin, Armand
Ségura, William Shakespeare (traduit par Mermed), Faustin Sullivan, Line
Szöllösi, Pascale de Trazégnies.
prologue
par alain wexler
Le cheval qui pleure
De l’arctique à l’antarctique, pleurent les chevaux, les
mendiantes devant Dieu, les mendiantes devant le diable mais celle qui se vêt
de troncs d’arbres, le jour venu reconnaîtra les siens.
Tous
les animaux sortaient de ses entrailles comme d’un bassin de femme.
«Hibou de dos / Hibou de face // Dans la caverne de mon
corps / Oiseau de nuit / Ma conscience»
Nous
fûmes de ces bêtes anciennes, nous aussi dont nous entendons le vacarme dans la
chambre de notre mémoire.
Ce
titre que m’a soufflé le texte de Chloé Landriot était celui d’un film de
Donskoï. Un film immense dont je ne parlerai pas, faute de place. Le sujet ici,
est la souffrance muette ou hurlante.
Madeleine
Melquiond veut se lover dans la souffrance pour enfin trouver la paix.
Cette
souffrance serait-elle la déchirure dont Bernard Le Blavec dit qu’il faut la
coudre pour que cesse la première ? La couture qui suit fidèlement la déchirure
l’épouse. Idée de se lover.
Ainsi
pour le caméléon, il est vital de se lover dans les couleurs ou entre les
couleurs, il se cache dans le monde.
Pleurer
nous renvoie à l’acte un, la naissance.
Cheval,
à l’idée de la course, la fuite.
Déchirés
que nous sommes entre la naissance et la mort ! Bien sûr, la faim jamais
éteinte, moteur du commerce et des conquêtes et tout est dit ou presque, dans
ce monde à recoudre !
Laurent
Grison écrit : « la liberté est belle
comme le signe égal ». Une phrase pour sauver le monde. A ce sujet,
savez-vous que tout a commencé à aller de travers à partir du moment où des
hommes politiques − ceux qui sont toujours élus − ont commencé à dire, à tout
propos, les libertés au lieu de la liberté. Pascale de Trazegnies écrit
que les hommes veulent prendre l’âme des femmes. Là est la différence entre la
liberté et les libertés.
Ces libertés avec
la langue ont dû commencer il y a 40 ans.
Déchirure !
EXTRAITS :
laurent
grison
signe égal
tu lis tu écris
fenêtre grande ouverte
le soleil illumine
ton front soupçon-de-lait
un nuage de plumes
t’invite au voyage
tu apprends à voler
dans un courant d’air
en chantant à tue-tête
la chimère des
hémisphères
dans le ciel rose orangé
comme un Cy Twombly
tu vois des oiseaux bleus
aux ailes déliées
qui inventent le jeu
de la carte et du hasard
ils dessinent avec grâce
la poésie comme la vie
pôles imaginaires
équateur magnétique
la liberté est belle
comme le signe égal
le vent décoiffe tes
cheveux
avec un peigne en corne
de brume
tu lis tu écris
fenêtre grande ouverte
*
olivier billottet
Livraison de pizza
«Livraison de pizza» : sujet assez banal.
Non, il faut quelque chose un peu mieux que ce thème.
J’avais un temps pensé ce récit infernal :
Une femme aguichante et coquine à l’extrême.
Non, il faut quelque chose un peu mieux que ce thème.
C’est moins moins dix-huit ans, pas bon pour les enfants
Une femme aguichante et coquine à l’extrême
Qui prendrait le livreur en des coins étouffants
C’est moins moins dix-huit ans, pas bon pour les enfants.
Alors j’ai délaissé ce récit d’une femme
Qui prendrait le livreur en des coins étouffants.
Cette situation est beaucoup trop infâme,
Alors j’ai délaissé ce récit d’une femme.
J’avais un temps pensé ce récit infernal.
Cette situation est beaucoup trop infâme.
« Livraison de pizza » : sujet assez banal.