lundi 15 juin 2015

L'UNIVERS DE... VALERIE HARKNESS






Sœurs, nous avons dérangé les guêpes, nous avons bouleversé le monde 

En tout début d’après-midi, les maisons sont obscures avec leurs volets clos. Les rêves des plus grands sont lourds et pèsent sur leurs têtes.

La clarté du soleil dehors attire comme une flamme experte en pas de danse qui nous dore les pieds et tape sur nos nuques.

Il faut courir dans la terre brune, fendre l’air chaud de nos corps fins plus lestes encore que des insectes. (Sont paresseux, ceux-là, sont peureux.)

La course est folle ; nous nous lançons dans l’interdit ; nous sommes anges.
Allons plus loin.

Tirons très fort la longue plante s’élançant au beau milieu du champ de terre
brune et sèche et qui se laisse tirer, déchirer, malmener, déraciner enfin,
s’abandonnant comme un trophée sans vie.

Le silence fut bref, le temps pour le soleil sournois de brûler notre peau
et la guerre s’ensuit.

Sœurs, nous avons dérangé un nid
De guêpes,
Un foyer.

L’essaim nous prend en grippe, se soulève, sans relâche nous poursuit, nous menace, nous pique et nous harcèle.

Nous avons bouleversé la vie des bêtes.

Et c’est partout ce bourdonnement
De vie hors de la terre dans la clarté vive d’un soleil de midi.

C’est partout qu’elles nous piquent de leur coléreuse détresse.

Folle, la course.

Dessous, dessus, partout
Dans les oreilles même, le bourdonnement nous harcèle.

Nous tombons, trébuchons,
Sur les sillons de terre
Sèche
Les mottes de terre égratignent
Et les cailloux
Font mal partout.

Et les cailloux font mal partout.

Nous avons bouleversé le monde.