mardi 20 octobre 2015

VERSO N°162




Préface par Alain Wexler



Enfants jouant dans les ruines



Il fut un temps où les ruines étaient à la mode. Dans de paisibles paysages avec bergères et amants. Clin d’œil de la mort et de la machine à moudre de la poussière. Qui visitera ces pages se perdra dans les contradictions de la vie qui jouit de ses corps à corps avec la mort. Il serait facile de s’en tenir à cette dernière phrase qui donnerait la meilleure part au plus fort mais la mémoire est têtue qui s’accroche au fragile parce que plus digne d’attention et seul motif pour nous guider vers un monde harmonieux. Le poète ne fera pas la loi. Il réinvente la parole, la relativise à l’infini parce que celui qui a tout perdu a aussi perdu les mots. Ivan de Montbrison dit que ses cris sont muets. Il est à noter lors des grandes mutations de la société aux éclairs de lucidité aveuglante, on a fait l’éloge de la folie contre le discours des institutions. Gildas Veneau dit que la folie est douce et la raison dure. J’ajouterai  : raison apparente. La mécanique quantique fut un défi aux croyances communes par exemple !

Nous foulons des ruines à chaque instant. Jacqueline Persini dit que ton visage grignote la mort. C’est un poème. Le jeu absolu, la critique absolue. Les enfants qui jouent dans les ruines font partie d’un poème ! Le poème de la critique du temps.

Là est la question. La musique et le poème y sont au cœur. Ils nous parlent. Ce en quoi le texte d’Assia Ouehbi fait mouche avec ces secondes qui passent comme des tramways, soit le temps de l’échange, du poème. Pourquoi pas ? Et cette neige des mots qui fond sur la langue avant d’avoir pu te laisser glisser sur la luge de leurs cris ! Ou la quête du poème impossible !

Le poème par essence dionysiaque aime l’ivresse. Chez Céline Escouteloup, c’est la fête, même pour les morts sous les balançoires des petites filles. Ce que résume Philippe Kowal d’un trait : «Naître par bévue / Sous l’averse. L’abîme / Danse pieds nus.»


EXTRAIT :




ARLETTE PERUSSIE


Quelqu’un me regarde !
Dans cette maison étrangère
Quand le jour se retire                cette Présence
Surgit à la nuit tombée              et moi
Seule dans cette maison qui ne m’est rien
Je suis à sa merci.
Ce quelqu’un me regarde            m’observe.
Même sans bouger Elle est une ombre avide
partout         dans le coin          devant ta fenêtre
Derrière mon épaule je sens ce souffle retenu
J’entends le silence de pas           sa transparence

D’où vient ce frisson du soir ?
Sans visage sans âge ni homme ni femme
Ni même étranger cette chose sait tout de moi !
Présence pesante elle envahit le soir la nuit
La nourriture de mon âme l’air que je respire
Le silence c’est elle la lumière de la lampe c’est elle
Les apparences c’est elle ma voix ?
La peau du ciel n’y peut rien.
Que veux-tu inconnu à venir dans mes soirs
Briser la quiétude des nuits fabriquer des cauchemars ?
Serais-tu l’invisible remords    l’inconsolable vide ?
Ou simple témoin de mon propre fantôme
Errant          désespéré parce que je suis ailleurs ?



Au sommaire du numéro 162 : Kéva Apostolova, Philippe Blondeau, Marc Bonetto, Laurent Bouisset, Muriel Carrupt, Eric Chassefière, Céline Escouteloup, Paul Guillon, Eric Jouanneau, Milouk Keddar, Philippe Koal, Gérard Lemaire, Lodi, Bruno Lomenech, Munesu, Mabika de Cugnac, Ivan de Montbrison, Eric Von Neff, Cécile Ochsenbein, Assia Ouchbi, Jacqueline Persini Panorias, Grégory Parreira, Aurélien Perret, Arlette Perussie, Christophe Petit, Jeanpyer Poëls Stéphane Robert, André Sagne, Saslac, Eric Savina, Barbara Savournn, William Shakespeare, Gildas Vneau, Paul-Henry Vincent, Frédéric Vitiello.



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