lundi 9 avril 2018

TROIS POÈMES INÉDITS DE CHLOÉ LANDRIOT




Prière





Je suis un peu trop loin de ce qui fait la vie
J’ai des envies de nuit, d’océan, de forêts
De belle solitude à aimer l’univers

Mais j’ai aussi appris qu’aimer ne suffit pas
A découvrir la clé des cœurs et que la joie
Se construit éphémère avec l’art du maçon

Ne m’enveloppez pas laissez-moi sur la terre
Laissez-moi dans la ville avec quelques enfants
Pour ce que j’ai à faire…

Les arbres suffiront…

*

Sauve-moi, ma colère,
Arrache-moi d’entre les bras du mort
Fais craquer les vieux os
Découple les épaules
Et arrache la croûte abjecte de la peur
Arrache, arrache, arrache
Arrache-moi le cri de ma gorge oppressée
Détruis
Les vieux murs de la peur dressés entre la vie
Et moi.

Sauve-moi, ma colère,
Arrache-moi d’entre les bras du mort
Qui cherche à m’infliger sa propre mort
Qui se délecte de la mort sans yeux et sans oreilles
Qui se délecte de la mort fondant dessous sa langue
Aliment putréfié circulant dans son sang
Et me dénie le droit
De boire à d’autres sources.

Sauve-moi, ma colère,
De ces regards de mort
De cette bouche de mort
Dont les mots empoisonnent.

Sauve-moi, ma colère,
Arrache-moi d’entre les bras du mort
Soulève de tes doigts mes paupières moisies
Mets à nu mes pupilles
Arrache, arrache, arrache,
N’aie pas d’hésitation
Pour que la lumière entre
Et brûle

Déchire
En lambeaux le linceul douteux du temps perdu
Où je n’étais pas moi dedans mon corps
Où mon âme avait fui
Abandonnant ma peau aux griffes langoureuses
Qui y ont dessiné des routes infinies
Par où le sel pénètre.

Rends-moi mon corps, ma colère,
Fais-moi y revenir
Porte pour moi le sabre des nuits salvatrices
Et des jours de combat
Revêts-moi
La tenue de combat

Mais n’oublie pas enfin
Quand tout sera fini
Quand la victoire sera
Eclatante
De déposer les armes
Et de veiller sur moi
‒ Compagne inespérée de la vie retrouvée ‒
De veiller sur moi.

*

Que la joie préside à tous mes actes
Que la source première
Soit manifeste à chaque instant
Dans chacun de mes gestes

Que je garde ma vie
Le front sous la lame
Le cœur sans colère
L’élan dans tout mon être

Ô bienveillance !
Je t’emprunterai aux arbres
Je laverai mes mains à ton eau claire
J’instituerai ton règne en moi
Ô bienveillance !

Que je sois digne
De tout regard d’enfant
Posé sur moi comme un brûlant tison

Et que la joie préside !

Que mes actes se tiennent
Sur une ligne unique
D’amour et de beauté.

Chloé Landriot