Alain Wexler est un bâtisseur, et pas seulement parce que dans La Tentation, récemment parue aux éditions Henry, il emploie La Boue, la Brique, la Pierre, (sans négliger la Lumière et de L’Ombre,
éléments d’importance pour tout architecte), titres de poèmes qui la
composent. Bâtisseur qui a construit son œuvre au fil des années, avec
méthode et patience, où le côté raisonneur du poète se mêle à un certain
baroquisme, y compris dans l’étage qu’il vient d’ajouter à l’édifice.
D’autres poèmes issus du même livre ont été présentés en avant-première aux lecteurs de Décharge : La Lime sur le site (en Repérage, le 23 octobre 2017), les Amants, les Toits et la Tentation dans Décharge 177.
Le manuscrit inédit comptait alors 196 pages. Moins de 100 pages en ont
été retenues, ce qui relativise une observation de Louis Dubost, son
préfacier [1],
quant à la rareté de la production du poète : n’est-ce pas plutôt la
capacité des éditeurs à la reproduire, (ou à en reconnaître la valeur)
qu’il faut interroger, à l’instar – dans une moindre mesure cependant –
de Jean-Paul Klée, comme il fut rappelé récemment, à l’occasion de
l’étude de Mathieu Jung (cf I.D n° 762).
Je ne reviendrai pas une nouvelle fois sur les constances de la poésie d’Alain Wexler j’en résumais les traits marquants dans ma lecture d’Echelles (I.D n° 287) ; et la préface de Louis Dubost éclaire également bien des points de son parcours, à commencer par les attaches, aujourd’hui grandement relâchées il est vrai, avec la poésie de Francis Ponge, encore vives néanmoins dans le choix des « sujets » (qui pour la plupart demeurent des objets) et dans le traitement matérialiste du langage.
Quelque chose toutefois a bougé dans l’écriture du poète, le choix du titre est un indice, rompant la série des titres précédents voués à attirer l’attention sur la chose : Récifs, Tables, Nœuds, Echelles enfin. Ce qui me frappe aujourd’hui, c’est sa vigueur acquise, le côté direct de l’expression qui ne s’égare pas en peut-être, qui affaiblissent si souvent les poèmes. Les métamorphoses, vers lesquelles le poète nous conduisait naguère au prix de précautionneux détours, se succèdent désormais en accéléré, précipitent dans l’ivresse des analogies :
Je ne reviendrai pas une nouvelle fois sur les constances de la poésie d’Alain Wexler j’en résumais les traits marquants dans ma lecture d’Echelles (I.D n° 287) ; et la préface de Louis Dubost éclaire également bien des points de son parcours, à commencer par les attaches, aujourd’hui grandement relâchées il est vrai, avec la poésie de Francis Ponge, encore vives néanmoins dans le choix des « sujets » (qui pour la plupart demeurent des objets) et dans le traitement matérialiste du langage.
Quelque chose toutefois a bougé dans l’écriture du poète, le choix du titre est un indice, rompant la série des titres précédents voués à attirer l’attention sur la chose : Récifs, Tables, Nœuds, Echelles enfin. Ce qui me frappe aujourd’hui, c’est sa vigueur acquise, le côté direct de l’expression qui ne s’égare pas en peut-être, qui affaiblissent si souvent les poèmes. Les métamorphoses, vers lesquelles le poète nous conduisait naguère au prix de précautionneux détours, se succèdent désormais en accéléré, précipitent dans l’ivresse des analogies :
Le panier rond comme l’œil de la laineQui s’en tiendrait à lire un fragment tel que celui-ci pourrait douter de la cohérence du propos. Mais qui parcourt le livre en entier s’aperçoit que la plupart des termes : œil comme vache, œuf comme chat et laine, sont récurrents, réapparaissent comme éléments constitutifs ou ingrédients de nombreux poèmes, pièces qui tendent à former des motifs. Pour m’en tenir à un seul : autour de La Tentation, on regroupera les poèmes la Pomme et le Serpent, aussi bien que les Amants pour suggérer une scène de la genèse (dès lors, pourquoi ne pas retenir aussi la Boue ?), avec toute la fantaisie et l’humour allusif dont Alain Wexler sait aussi user :
Se tresse d’instinct sous l’eau qui ne s’agrippe
Les œufs de l’arbre
Et le chat de la laine
Enracinent
Le panier
Dans les yeux de l’homme
Le panier se tresse
Autour de l’oeil de la laine
Comme les doigts d’instinct
Sous l’eau qui ne s’agrippent
L’homme tresse un panier comme une haie de mémoire
Pour tenir sa vache à la main
Ainsi jouit-il de quelques paniers de vaches et de foin
Quoiqu’il en prenne un plus petit pour se rendre au marché
Pommes qui montrez vos fesses d’ange
Du haut de vos balançoires
Et vos robes retournées
Balancez entre ciel et terre
Entre le creux et le rond
Le doux creux qui vous attache
Et le rond qui pèse pour tomber.
Repères : Alain Wexler : La Tentation. Préface : Louis Dubost. Editions Henry (Parc d’activités de Campigneulles - 62170 Montreuil-sur -Mer.) 102 p. 10€.
On lira des poèmes d’Alain Wexler dans Décharge 177, et dans Décharge 176, sa contribution à la question : Pourquoi on aime ça, la poésie ?
L’I.D n° 287 rend compte d’Echelles, aux éditions Henry. Et les I.D n° 288 et 288 bis livre La pomme de terre, poème resté inédit.
On lira des poèmes d’Alain Wexler dans Décharge 177, et dans Décharge 176, sa contribution à la question : Pourquoi on aime ça, la poésie ?
L’I.D n° 287 rend compte d’Echelles, aux éditions Henry. Et les I.D n° 288 et 288 bis livre La pomme de terre, poème resté inédit.
[1] –
éditeur, à l’enseigne du dé bleu, Louis Dubost a publié les trois
premiers livres d’Alain Wexler. Pouvait-on rêver meilleur préfacier ?