« Ce qui va éclore n’étant pas
encore » (chronique
de Miloud Keddar sur « Echelles » d’Alain Wexler)
Viendra
qui n’est pas venu encore. L’échelle est en bois, palier et escalier et c’est
« Echelles » d’Alain Wexler. Une échelle en bois sur l’arbre d’où elle
ne vient pas. Etrangère au tronc et aux branches sur lesquels elle se hisse,
cherche-t-elle à épouser un autre bois, si seulement par lui elle s’élève vers
« le naître de l’œuf », ou pour que deux mains se joignent dans
« l’épousaille », un bois-femme et un bois-mâle ? Ou est-ce
simplement prier l’oiseau d’un ailleurs (il y a depuis fort longtemps que le
rêve de l’homme est de naître sous une carapace ou une coquille et d’avoir les
pieds sur terre et la tête dans l’azur) ? Ne dit-on pas d’ailleurs venir
de l’arbre, nous rétorquera Alain Wexler ? C’est l’homme qui monte, la
femme est déjà tout en haut, elle s’est déjà habillée de verdure et
d’azur ! Et n’y a-t-il pas un lien évident entre le dessin « La
femme-arbre » de Barbara Le Moëne et « Echelles » d’Alain
Wexler, du tronc de l’arbre naissent les branches et des branches naissent les
feuilles, nous, un oiselet à naître sous tous les pinceaux et crayons et plumes
de tout artiste ? Dans le changement perpétuel, dirait Léo Ferré ? Et
en effet il y a une recherche permanente sur les mots et leur sens chez Alain
Wexler, et ce depuis « Récifs », « Tables » et
« Noeuds » et maintenant « Echelles » (tout ce qui fut publié
à ce jour, disons). Le bois, l’œuf, la femme, l’eau, le contenant et le
contenu, notre terre et son azur, questionne Alain Wexler pour asseoir les mots
qui ne seront jamais définitifs. N’y voyez-vous pas un signe dans les
titres : un nom commun, sans article et toujours au pluriel, car ce n’est
pas Echelle que questionne Alain Wexler mais ce qui a d’Echelles dans une
Echelle, ce qui a d’homme et de femme dans l’union que nous voulons l’humain.
L’eau d’un fleuve ou du cours d’eau est pour Alain Wexler un ensemble de
gouttes d’eau avant tout et il en est ainsi des mots : écrits tels, il
suffit d’en changer des consonnes ou des voyelles tout en gardant la musicalité
pour accéder à un ailleurs du mot. Ou encore : un œuf, on ne sait pas,
s’il sera moineau ou mésange (ceci est un exemple !). Il y a quelque chose
de commun qui se niche dans l’universel et tout cherche l’ordonné dans le
désordonné et c’est cela la singulière poésie d’Alain Wexler. L’homme habite
l’arbre, mais jamais sans la femme ! Et, je relève, l’eau ne nourrit pas
seulement « l’autre nature », l’eau nourrit l’eau. On est au carrefour
de soi pour mieux être celui de l’autre !
Pour clore
cette prose que je veux en quelque sorte introductive aux travaux d’Alain
Wexler, quoi de mieux qu’un extrait de « Echelles » :
« La
chaise est l’ombre d’un autre,
Pliée en
quatre,
Juste une
ombre avec des jambes
Dessin en
creux de la chaise qui attend
Qu’un
sujet le remplisse.
Mais qui
pourrait donc remplir cette carcasse,
Debout,
face au désert,
Dont le
vent caresse les bâtons ? »
Lire Alain
Wexler, c’est accepter les remuements !
Alain Wexler, Echelles. Editions Henry, 2009
Alain Wexler, Echelles. Editions Henry, 2009