mercredi 12 mars 2014

L'univers de... Alain Guillard


C'est ainsi que j'ai renoncé, préférant mes silhouettes fantasmées à ce réel. Le stylo m'est devenu cette arme par laquelle mon frère, une aube de mars, a choisi de s'effacer. 

Cerisier grêle, amas de terre, l'éternité d'un rien.


Fragment sur quoi je tombe, relisant un texte ancien de plus de dix années. La dernière phrase qui m'apparaît un poème possible.


Ensuite, tout le fragment, qui explique bien ce qu'écrire a signifié pour moi.


Une rue nocturne, de nuit liquide. Feuillages trempés d'ombres projetées sur les murs et trottoirs. S'asseoir sur un banc, s'assoupir dans cette encre, nuit tiède de fin de printemps. 


De l'autre côté de la rue, un immense bâtiment de brique rouge, dont je ne sais l'origine ni la fonction présente. Lorsque l'on descend l'escalier qui le borde sur sa droite, l'on atteint la seine. Les grues jaunes, les tas de sable, les mouettes piaillant, l'eau grise laquée de la seine.


Perpendiculaire à la seine, un bâtiment blanc, haut d'une dizaine d'étages (je n'ai jamais compté). Dans ce bâtiment blanc, au quatrième, il me semble me rappeler, mon ami Mannix. Il vivait là avec sa mère venue du Blanc-Mesnil après la mort de son mari, le père donc de Frank. 


Des années après, après une longue boucle, j'échouai au pied de l'immeuble, y lisant les noms des occupants actuels. Seul le nom de B me rappela cette période ancienne; B les voisins de palier de mon ami. Le nom du père devenu par la suite l'amant de sa mère. Ce dont elle s'excusa lorsque je vins les voir à l'issue de mon année d'armée.


"La solitude, dit-elle, fumée blonde bouclant à son visage, tu comprends...! Un poète tel que toi doit comprendre." Ecrasant avec application le bout de cigarette au fond du cendrier et se levant, retournant au salon où, tablée de fête, on fêtait mon retour.


Elle était cajolée par cet homme. Tout le temps de la soirée, l'image que j'en gardai.


Elle disait aussi cette femme : " l'important dans la vie, tu verras, l'amour d'une mère et l'amitié d'un vrai ami. Le reste ne dure pas."


Elle lisait Baudelaire, avouant frissonner à sa lecture. On la prenait pour une putain, parce que trop fardée toujours, des éruptions de bagues aux mains toujours. Elle s'éprouvait seulement si laide. 


L'à-priori toujours de l'humanité à l'égard d'une autre.